Chez Agesys, nous sommes convaincus que le management traditionnel est usé, lessivé par les récentes ruptures managériale, économique et organisationnelle, en grande dissonance avec les besoins des entreprises contemporaines. Nous sommes persuadés que le moteur qui anime nos collaborateurs se nourrit d’accompagnement et de confiance plutôt que de contrôles exagérés ou de consignes directives.
Il y a plusieurs années, une équipe de collaborateurs volontaires a constitué une cellule d’innovation managériale afin d’imaginer une autre façon de manager. Leur aspiration consistait à proposer un management mieux adapté, plus démocratique, favorisant l’autonomie, l’implication et l’épanouissement de tous les individus de l’entreprise. Sept ans après, voici où nous en sommes.
Un management mieux réparti
Dans notre organisation horizontale, le management a été modernisé pour être redistribué à un plus grand nombre d’acteurs. Les objectifs étaient à la fois de diffuser les responsabilités, de multiplier les opportunités, de s’impliquer mais aussi d’éviter de faire reposer l’entreprise sur quelques têtes. Cette dilution du management a également permis de repenser les rôles de l’encadrement en privilégiant l’accompagnement des individus, le lâcher prise et la confiance. Nous avons donc décliné notre management en trois types, chacun correspondant à des besoins bien précis, visant à accroître un fonctionnement plus interdépendant.
Le premier manager d’un collaborateur, c’est lui-même. Autonome et responsable, il est son propre chef, acteur de son parcours et moteur de son évolution : c’est ce que nous appelons le « management personnel ». Le deuxième type de managers concerne le « management opérationnel » : il correspond au pilotage d’une cellule opérationnelle, comme une cellule métier ou un groupe de travail, dont le capitaine est l’animateur, le référent opérationnel du domaine lié à la cellule, en étant centré sur le travail et l’activité. Enfin, il y a le « management relationnel » centré davantage sur l’individu : il accompagne le collaborateur dans sa progression et dans son quotidien, un peu à la manière d’un RH personnalisé.
Un management personnel
Partir du postulat que chaque collaborateur est son propre manager en dit long sur l’intention authentique de faire confiance à l’humain et de promouvoir la responsabilité individuelle. Le principe est de légitimer la possibilité d’évoluer au sein de l’entreprise sans avoir besoin d’autorisations, au même titre que dans la vie courante, il n’y a pas besoin de chefs pour agir. Bien entendu, il est nécessaire de respecter un cadre, ainsi que les conditions de mise en œuvre pour jouir de cette liberté, mais chaque collaborateur décidé est invité à gagner en autonomie en tenant compte de sa maturité et de son rythme. Ce type de management a pour objectif de faire éclore au sein de l’entreprise des intrapreneurs autonomes, responsables et engagés.
Dans la pratique, la cellule d’innovation managériale a coconstruit le management personnel autour de trois fondements permettant aux collaborateurs d’étendre leur autonomie dans leurs choix, dans leurs rôles et dans leurs relations. Le premier domaine va consister à nourrir un terreau fertile, enrichi de programmes permissifs et d’outils simplistes, que les collaborateurs adopteront librement pour tracer leur propre chemin. Ils pourront ainsi choisir de gérer leur carrière, d’organiser leur formation, de valider leurs congés, de sélectionner les matériels nécessaires à leurs missions, d’engager de nouveaux projets, de mettre en œuvre leurs idées, de participer à la construction de l’entreprise ou de rejoindre des groupes de travail sur les sujets qui les intéressent. Ils auront également la possibilité de prendre plus de responsabilités en se présentant comme manager lors d’élections, en participant au comité de direction, en récompensant leurs collègues, en choisissant leurs avantages et même en s’attribuant une prime. Pour ceux qui choisissent l’interdépendance, qui est la forme recherchée d’une autonomie interactive et responsable, l’encadrement devient alors très léger, voire transparent. Il se métamorphose en une ressource à disposition du collaborateur pour l’accompagner sur les points qu’il souhaite et l’aider à prendre soin de lui.
Le deuxième axe concerne les apports de connaissances permettant aux personnes volontaires de mieux appréhender et de développer leurs attitudes personnelles, leurs comportements sociaux, leurs principes d’actions et leur esprit de productivité. Des outils et des formations sur le développement personnel sont proposés, comme les relations interpersonnelles, la communication non violente, la gestion des émotions ou la gestion des énergies. Cette connaissance, habituellement réservée aux managers, est diffusée au plus grand nombre et offre aux salariés intéressés, la possibilité de développer les qualités personnelles nécessaires à une vraie autonomie, sereine et accompagnée d’un sens des responsabilités nourri.
La troisième et dernière dimension porte sur l’accompagnement du collaborateur qui sera invité à réfléchir sur ses motivations intrinsèques, à comprendre le cadre de fonctionnement de cette liberté choisie et d’être accompagné à son rythme sur le chemin de l’interdépendance. Cet accompagnateur, qui est le coordinateur relationnel décrit plus loin, l’aidera à comprendre le cercle de l’autonomie en lui faisant prendre conscience des différentes phases incontournables qui vont de la dépendance à l’interdépendance. Il va également le rassurer sur l’aspect non obligatoire et progressif de cette autonomie et enfin appréhender avec lui la notion de rôle pour bien intégrer qu’il est possible d’être interdépendant dans un rôle et pas dans un autre. Cet accompagnement se fera de telle sorte que le management personnel soit une réalité choisie et accompagnée.
Un management opérationnel
Notre fonctionnement systémique a aplati la pyramide au profit d’une organisation cellulaire interactive. Chaque cellule interdépendante correspond à une équipe rassemblée autour d’un sujet commun comme un métier, une fonction support, un client important, un projet d’entreprise ou un groupe de travail. Ces groupes peuvent être composés de membres liés à l’activité, comme par exemple un technicien utilisateur sera automatiquement membre de la cellule métier solutions utilisateurs. Ils peuvent aussi être constitués sur la base du volontariat. Ainsi, un groupe de travail sur le droit à l’erreur fera appel à des candidats volontaires lors de sa constitution. Une fois formé, les membres choisiront un team leader qui deviendra le manageur opérationnel de la cellule. Il y a donc autant de managers opérationnels, appelés aussi capitaines, que de cellules.
Ses rôles sont multiples et vont généralement dépendre de la maturité de la cellule et des membres qui la composent. Les principales missions vont consister à animer et dynamiser cette cellule en ayant une posture de communicant et de facilitateur. Il pourra être moteur et porteur de sens, animer des sessions collectives, agréger des travaux de co-construction, introduire les outils de l’intelligence collective, s’assurer d’une bonne communication externe et intégrer les interactions avec les autres cellules et plus globalement avec l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. Il insufflera également une bonne ambiance, de la convivialité entre les membres et un bon état d’esprit pour que chacun se sente en confiance et motivé pour participer à la réalisation du cap qu’ils auront préalablement défini ensemble.
Dans la pratique, le capitaine est autonome avec son équipe pour faire évoluer librement les travaux et les projets de sa cellule à partir du moment où il respecte le cadre général qui comprend trois obligations. La première est de communiquer régulièrement sur l’avancée des travaux, au fil de l’eau, à l’ensemble de l’entreprise, et en permettant les réactions et les sollicitations d’avis pour les sujets impactant. La seconde obligation est d’apporter de la connaissance aux membres du groupe. Réunir des personnes de bonne volonté n’est pas suffisant pour obtenir un résultat à forte valeur ajoutée. Des apports externes permettront en effet d’obtenir plus de consistance dans les travaux. Le capitaine aura toute latitude, avec son équipe, pour apporter cette connaissance, que ce soit en faisant appel à un consultant externe, en organisant l’intervention d’un membre de l’entreprise, en demandant de suivre une formation, en participant à des échanges sur des forums, en rencontrant des entreprises extérieures ou en se rendant sur des salons. Enfin, la troisième obligation est de capitaliser les informations et la connaissance produites par la cellule pour la rendre accessible au plus grand nombre. Les membres pourront choisir les supports qu’ils souhaitent comme des échanges sur le réseau social d’entreprise, la consignation dans la base de connaissance, la création de document dans une GED, la diffusion de vidéos sur la web TV, la création de visuels ou même de bandes dessinées. Cette capitalisation des connaissances va non seulement faciliter la transmission des savoir à l’ensemble des collaborateurs mais elle va assurer la diffusion des contenus aux futurs employés qui intégreront l’entreprise.
Le manager opérationnel est choisi par son équipe. Il est coopté sur candidature ou par élection sans candidat et pour une durée définie collégialement par la cellule. Étant donné que le manager opérationnel est choisi parmi l’ensemble des collaborateurs, il va être important de le former et de l’accompagner pour qu’il puisse avoir les connaissances et les savoirs suffisants au bon déroulement de ses rôles. L’académie AGESYS à développer un programme d’accompagnement intégrant le management par les couleurs, les capacités d’animation de groupes, l’inclusion, l’animation déléguée, le codéveloppement, les outils de l’intelligence collective, la gestion de l’énergie et l’Attitude Intérieure Positive. Le manager opérationnel organise son temps et celui de son équipe à sa convenance afin de mener les projets sur lesquels ils ont décidé de travailler.
Un management relationnel
Nous avons séparé l’activité opérationnelle de l’individu parce que nous voulions concrétiser notre volonté de mettre l’humain au cœur de nos préoccupations. Le coordinateur relationnel, ou CR, est donc centré sur l’humain et va s’intéresser uniquement à la personne et non à son travail qui lui, est effectué avec les managers opérationnels.
Le CR endosse plusieurs rôles pour accompagner le collaborateur. Il l’accompagne dans son autonomie et sa montée en compétences, l’assiste dans la gestion de ses congés et de ses formations et le conseille dans la gestion de son énergie. Il s’intéresse à son épanouissement et à ses motivations, s’implique dans son intégration en facilitant les mises en relation et le cas échéant est capable de l’aider à réguler une situation. Le coordinateur relationnel s’entretient régulièrement avec son équipier à une fréquence qu’ils conviennent ensemble et sur un mode de fonctionnement qui dépend du niveau de maturité et des besoins du salarié. Ce RH personnalisé sera aussi attentif, à travers différents indicateurs, à la santé de son collègue et notamment au niveau des risques psychosociaux.
Dans ce contexte, l’entente et la confiance entre le collaborateur et son CR sont primordiales car l’essentiel de leur relation est basé sur de l’humain. Nous proposons donc aux collaborateurs le pouvoir de choisir leur coordinateur relationnel et ainsi leur assurer un bon climat pour se confier et pour partager leurs problématiques et leurs interrogations. Chaque année, ils pourront réviser leur choix et opter pour un autres CR en fonction de leurs préférences et cela sans justification. Dans la pratique, les salariés donnent leur préférence chaque mi-novembre pour désigner leur manager relationnel pour l’année suivante. Après un potentiel arbitrage, dans le cas où un collaborateur aurait désigné plusieurs CR possibles, chaque collaborateur aura la confirmation du coordinateur relationnel qui le suivra pour un an.
Quand il est nécessaire d’avoir un nouveau CR, il n’est pas nommé par l’encadrement mais élu par l’ensemble des collaborateurs. Un appel à candidat est lancé à l’ensemble des collaborateurs et un vote au suffrage universel est ensuite organisé pour le sélectionner parmi les candidats déclarés. Une fois élu, le CR est formé sur le management traditionnel et sur le coaching, puis il est accompagné par un CR sénior. Il sera ajouté à la liste des coordinateurs relationnels que pourront choisir les collaborateurs lors de la prochaine sélection en fin d’année. Contrairement au manager opérationnel qui est un rôle, le manager relationnel est un métier qui nécessite un long apprentissage et ils sont donc élus sans échéance de fin. Chaque coordinateur conserve son métier initial pour 80% de son temps et passe environ 20% pour le métier de CR avec un maximum d’une dizaine de personnes à suivre.
Le métier de CR nécessite un travail important sur soi, principalement sur le lâcher prise et sur la posture d’accompagnement. Au-delà des formations et des apports de connaissances, nous proposons à chaque coordinateur relationnel de suivre une thérapie pour appréhender son métier avec sérénité. Nous organisons également des sessions collectives entre CR pour qu’ils partagent leurs difficultés et échangent sur les bonnes pratiques. L’occasion aussi de faire intervenir des experts extérieurs sur des sujets transverses ayant pour objectif d’étendre leurs connaissances.
En conclusion
Cette organisation et cette répartition du management ont été construites et affinées au fil du temps, pour arriver à une situation actuelle bénéfique pour l’organisation. Davantage de démocratie, de liberté, davantage de place pour les collaborateurs, davantage d’engagement pour les équipes et davantage d’innovation. Moins de sur-engagement, moins de charge pour l’encadrement, moins de frustration pour les collaborateurs et moins de perte d’énergie.
Par Christophe Thuillier, le 01 mai 2020